Il y a quelques temps, j’avais lu le roman d’anticipation du Japonais Komatsu Sakyo, La submersion du Japon. Publié dans les années 1970 au Japon, ce roman imagine des mouvements géologiques sous-marins qui auraient pour conséquence la disparition par submersion de l’archipel du Japon en quelques années seulement.
Ce roman m’a beaucoup plu car il est très réaliste et peu catastrophiste, il décrit comment un chercheur fou découvre progressivement le phénomène en cours et comment un projet d’étude à grande échelle est mis en place, tout en essayant de le dissimuler pour éviter la confusion et le désordre total dans tout le Japon. Beaucoup de détails sont évoqués sur la façon dont les gens font face à la situation, entre le chercheur qui veut observer jusqu’au bout malgré le danger, les trafiquants d’art qui anticipent des acquisiitons d’oeuvres rares, le politicien qui part négocier avec l’Australie pour qu’elle accueille plus de réfugiés, l’homme qui règne dans l’ombre sur le Japon et décide de disparaitre avec lui, et bien d’autres portraits à la fois imaginatifs et réalistes. Les détails scientifiques et sociologiques rendent une telle catastrophe crédible et l’on suit son développement avec beaucoup de curiosité.
La conclusion de l’ouvrage est très patriotique avec des Japonais qui ont choisi de mourir avec leur pays et d’autres qui choisissent l’exil afin de faire survivre l' »âme du Japon » envers et contre tout.
C’est cette belle découverte qui m’a donné envie de me lancer dans un autre roman d’anticipation autant que de science fiction, mais situé dans une tout autre région et à une autre époque : Le formidable évènement, écrit par Maurice Leblanc en 1920 et republié début 2013 par Gallimard dans la collection Folio Science Fiction. Le père d’Arsène Lupin imagine dans ce livre que des mouvements tectoniques et des jeux de failles font remonter toute une partie des sols du fond de la Manche, ayant pour conséquence de relier la France à la Grande-Bretagne. Cette fois-ci, il ne s’agit pas de la disparition d’un pays mais de l’apparition de nouvelles terres, avec son lot d’épaves regorgeant potentiellement de trésors. On suit dans ce roman la véritable épopée d’un Français qui cherche à conquérir le coeur de sa dulcinée en réalisant des exploits dignes des grands découvreurs. Ce no man’s land récemment émergé, où les rivières sont en train de refaire leur lit, sera le lieu de combats entre groupes de vagabonds à la recherche d’une source d’or dont tout le monde parle. A mi-chemin entre la ruée vers l’or dans l’ouest américain et les histoires de pirates, ce roman n’aura finalement pas grand chose à voir avec celui de Komatsu Sakyo. Ici, on suit un héro en quête d’aventures et non pas une description de la façon dont une société s’organise face à la disparition imminente de son territoire.
Cependant, certains éléments se retrouvent dans les deux ouvrages, notamment l’arrivée progressive d’une catastrophe de grande ampleur, dont les premiers signes sont des éruptions sous-marines, des tremblements de terre et la disparition de navires en mer. On remarque aussi dans les deux romans la figure du chercheur extravagant qui grâce aux fruits de ses recherches isolées avait prédit le phénomène avant tout le monde, mais restait incompris. De même, ces deux auteurs nous embarquent chacun dans leur histoire avec un suspense et des péripéties qui gardent le lecteur en halène du début à la fin…
Finalement, ces romans se terminent à l’opposé l’un de l’autre. D’un côté, le Japon a disparu et ses habitants se retrouvent dispersés un peu partout dans le monde, avec l’espoir de se réinstaller ailleurs et d’essayer de conserver leur culture à défaut de pouvoir conserver leur pays. De l’autre, la France et l’Angleterre sont réunies et se réconcilient après avoir évité de peu la guerre ouverte. Tout est bien qui finit bien, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…